5 conditions pour réussir la transformation numérique de l’industrie française

Que faut-il à la France pour passer le cap de l’industrie du futur ? Un cadre social plus souple, plus d’initiatives des petites entreprises, une meilleure prise en compte des opérateurs… Les participants à la table ronde « Capitaliser sur nos atouts et faire preuve d’audace » des Assises de l’industrie de L’Usine Nouvelle détaillent leur vision. La France ne doit pas rater le coche de l’industrie du futur. Robin Rivaton, essayiste et directeur général de Paris région entreprises, estime que les européens sont déjà passés à côté des trois précédentes vagues de la révolution numérique : celle des médias, de la distribution des biens, puis des services. « Cette fois-ci, on ne peut pas se dire que la numérisation de l’industrie n’est pas pour nous », insiste-t-il. Lors des Assises de l’industrie organisées par L’Usine Nouvelle jeudi 3 novembre, les participants à la table ronde « Capitaliser sur nos atouts et faire preuve d’audace » ont mis en avant cinq conditions essentielles au passage de la France vers l’industrie du futur.

Utiliser les données

Le Big data, ingrédient clé de l’industrie du futur, reste flou pour beaucoup d’industriels. « On n’utilise que 1% de la richesse de nos données », estime Pierre Perdoux, responsable de la performance de la production d’Airbus Group. « Pour le moment, la meilleure manière d’utiliser nos données reste la maintenance prédictive. » Même constat pour Pascal Juéry, président de l’Union des industries chimiques et membre du comité exécutif de Solvay. « Nous avons les capteurs. Nous disposons d’un grand nombres de données sur ce qui se passe dans nos réacteurs. Maintenant, il faut les utiliser pour conduire les procédés de façon plus optimale. »

Engager les opérateurs en amont

Certains industriels ont tendance à mettre la transformation de leurs usines entre les mains d’ingénieurs très compétents, mais qui ne connaissent pas la réalité du terrain. « On pousse des concepts qui sont intellectuellement plaisants, alors qu’ils ne sont pas forcément adaptés à la production », déplore Pierre Perdoux. Airbus a voulu éviter cet écueil en mettant en place sa stratégie « Blue collar centric ». « Avant de développer des briques numériques, on les met dans les mains de nos opérateurs, de 20 ans mais aussi de 50 ans, car ce seront eux les futurs utilisateurs de ces technologies », explique Pierre Perdoux. Un moyen de pérenniser la transformation, mais aussi de réduire le temps de déploiement et, donc, le temps de retour sur investissement. Airbus travaille également sur le développement d’outils connectés pour faciliter les taches de ses opérateurs. « Seules 28% de nos tâches sont pour le moment robotisées« , estime Pierre Perdoux. Airbus est par ailleurs en train de digitaliser le lean manufacturing. « Nous devrions avoir numérisé 47 lignes d’assemblage sous une vingtaine de mois. Nous sommes allés très vite et c’est parce que les 2/3 de ce travail ont été effectués par les opérateurs eux-mêmes. »

Mobiliser les petites entreprises

Pour espérer un renouveau industriel français, il faut que les grands groupes se transforment, mais pas seulement. Les ETI et PME doivent aussi engager leur mutation. Pour le moment, seul un tiers des entreprises françaises disent avoir établi une feuille de route pour l’industrie du futur, selon une étude du cabinet EY. L’Alliance pour l’industrie du futur s’attèle, depuis plus d’un an, à sensibiliser le tissu industriel français à cette révolution. « Si l’on veut un renouveau, il faut un renouveau d’initiatives », estime Philippe Darmayan, président de l’Alliance. « Pour cela, il est important de donner une couleur à l’industrie du futur au travers d’exemples concrets : des vitrines comme Air Liquide mais aussi des cas de PME », explique-t-il. Une plate-forme avec 150 cas de PME et ETI tournées vers l’industrie du futur est accessible sur le site web de l’Alliance. A ce jour, 3 400 entreprises auraient été sensibilisées au programme. C’est également le rôle des donneurs d’ordres d’aider leur chaîne de sous-traitants à leur emboîter le pas dans la révolution numérique. Un enjeu dont est conscient Airbus : « cela fait partie de notre feuille de route, mais pour le moment il n’y a pas de politique généralisée à l’ensemble de la supply-chain », précise Pierre Perdoux.

Mesurer le risque d’ubérisation

Les industriels français ont souvent le tort de se croire à l’abri de nouveaux modèles économiques venus du numérique. Pour Pascal Juéry, l’industrie chimique semble, à première vue, bien loin de l’ubérisation. « Mais ce n’est pas si simple. Nos clients ne veulent pas un matériau en particulier, ils veulent de la performance et donc certaines propriétés (légèreté, bonne résistance, réduction des émissions polluantes..), le produit chimique importe peu. » Il est donc tout à fait possible pour un acteur du Big data de se positionner entre le client et l’industriel de la chimie. « On peut se retrouver facilement en position de tier 2 avec une maîtrise moindre de la chaine de production », prévient-il. De quoi comprendre l’avertissement de Pascal Juéry : « La numérisation est plus qu’une opportunité, c’est un impératif stratégique ».

Assouplir le cadre social

L’initiative pour l’industrie du futur doit partir des chefs d’entreprise, mais quid du rôle de l’Etat ? Philippe Darmayan plaide pour une énergie à la Thatcher ou à la Schröder pour réindustrialiser la France. « Il y a eu quelques mesures positives, mais pas de ligne directrice sur le sujet. Il faut que l’Etat travaille sur l’attractivité du territoire français et cela passe, entre autres, par une baisse des charges sociales« , avance le président de l’Alliance. Pour Robin Rivaton, proche d’un candidat à la Primaire de la droite et du centre, il faut assouplir le cadre social et fiscal pour accompagner la révolution numérique de l’industrie. « On ne peut pas séparer économie et social. Un cadre social trop rigide empêche de remodeler la chaine de production. Les investissements sont moins rentables voire ineffectifs. Nous ne pouvons pas avoir l’ensemble du bénéfice de l’automatisation si nous n’assouplissons pas le code du travail et les relations au travail en général. »
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